Il est clair qu’hier nous étions obligés de parler de la bonne vieille théorie du « acheter au son du canon et vendez au son du clairon ». Comme au début de chaque guerre, on est censé avoir deux-trois jours un peu pénibles à la baisse, pendant qu’on relit ce qui s’est passé en 39-45, qu’on se refait la Liste Schindler et Pearl Harbor en DVD, mais ensuite, en général on achète les titres du secteur de la défense – même si c’est pas très ESG – et ça remonte. Et puis on oublie et on s’en fout de ce qui se passe « là-bas ». Sauf que là on est en 2023, à l’ère de Tik-Tok et Snapchat. Alors le marché, il a décidé de s’en foutre beaucoup plus rapidement.

L’Audio du 10 octobre 2023

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Le flash-sell-off

Alors on ne va pas se mentir, l’onde de choc de l’attaque du Hamas, la déclaration de guerre d’Israël et l’envie du Premier Ministre Israélien de réduire l’opposition en cendres comme ça on oubliera un peu ses casseroles, a laissé des traces à l’ouverture. En Europe on n’a même pas réussi à s’en remettre. En fin de journée les médias financiers déclaraient que « l’Europe restait prudente par rapport à ce qui se passe à Gaza », c’est pour ça que le CAC40 terminait en baisse de 0.55% et le DAX de 0.67%. On sentait bien la prudence. D’ailleurs les vendeurs s’en sont pris à Air France/KLM – oui, parce que leur business se concentre uniquement sur les vols Tel-Aviv-Paris et qu’ils ne vont nulle part ailleurs pendant qu’il y a la guerre. Le titre de l’ex-compagnie nationale française s’est prise 9% dans les dents.

Autrement, tout le secteur de la défense a explosé – bien sûr – Lockheed a pris 9%, Northrop était en hausse de près de 12% et Boeing ne faisait rien, parce que c’est bien connu, Boeing ne vend pas d’armes, pas de missiles, que des avions de ligne. Grosso modo, sur les marchés financiers, nous nous sommes comportés comme au début de chaque guerre : en faisant super-attention, en achetant l’armement quand même et en vendant les compagnies aériennes puisque le temps que les combats dureront, on ne prendra plus l’avion pour aller en week-end à Marrakech, puisque tout le monde va s’acheter un camping-car pour aller à Palavas les Flots en vacances d’octobre.

L’histoire nous dit

Et puis, pendant que les bourses mondiales se positionnaient par rapport à ce qui s’était passé durant le week-end et que l’on constatait que le pétrole était remonté et que certains experts s’empressaient de venir nous dire que les combats à Gaza pourraient déclencher une « instabilité dans la région et donc sur les cours du brut qui pourraient devenir VOLATILS ». Alors bon, je n’ai pas envie de devenir désagréable ou méprisant, mais je trouve quand même dommage que l’expert en question n’ait pas ajouté que l’eau ça mouille et qu’il faut faire attention de ne pas oublier de respirer, parce que sinon ; on meurt.

Non mais sérieusement ? Les mecs pensent que nous sommes aussi cons que ça pour venir nous dire : « ATTENTION UNE GUERRE AU MOYEN-ORIENT PEUT FAIRE MONTER LE BARIL ». C’est du même niveau que sur les mises en garde sur les gobelets de café où c’est marqué : « attention boisson chaude ». Toujours est-il qu’après ces brillantes mises en garde, brillantes et précieuses mises en garde, les marchés américains ont ouvert en baisse en sympathie avec Israël. Et puis, il y a un mec qui a ouvert un bouquin d’histoire et qui s’est rendu compte que depuis 1940 – lors de chaque conflit armé, prise d’otages, attentat, assassinat ou guerre mondiale, le marché a tendance à baisser légèrement au début avant de repartir comme s’il n’en n’avait strictement rien à foutre dans les semaines qui suivent. Wall Street s’est donc assez logiquement dit : « Mais pourquoi baisserions-nous alors que l’on sait qu’ensuite ça va remonter ??? »

La FED dovish

Bon, il faut dire que l’on a bien été aidés par le discours de Monsieur Philip Jefferson – pour ceux qui ne connaissent pas Philip Jefferson, c’est le Vice-Chairman de la FED, il n’a pas le droit de vote et il n’a aucun pouvoir sur les décisions de la FED, mais hier il s’est octroyé le droit de parler et il a dit : « Après avoir augmenté la fourchette cible des FED FUNDS de 525 points de base depuis début 2022, je pense que le FOMC est en mesure de procéder avec prudence à l’évaluation de l’ampleur de tout raffermissement supplémentaire de la politique qui pourrait s’avérer nécessaire »… l’évaluation de l’ampleur de tout raffermissement supplémentaire de la politique qui pourrait s’avérer nécessaire… J’ai dû la relire deux fois pour la comprendre celle-là. Si l’on doit traduire la phrase en français, ça veut dire qu’ils vont être prudent avant de monter ENCORE les taux.

C’est en tous les cas ce que Wall Street a compris en première lecture. C’est donc un COMMENTAIRE DOVISH de la part de quelqu’un de la FED !!! Depuis le temps qu’on attendait ça de la part de quelqu’un de la FED, on se serait même contenté d’un avis DOVISH de la part de quelqu’un qui bosse dans le staff de nettoyage à la FED. Autant dire que les commentaires de Monsieur Jefferson ont eu la capacité de faire IMMÉDIATEMENT oublier le conflit israélo-palestinien, les risques de contagion et la hausse du pétrole. Dans les secondes qui ont suivi le discours, le marché s’est dit « Pfff, rien à foutre de la guerre, la FED est DOVISH ». Le meilleur exemple, c’est les commentaires de Tom Lee, le plus bullish des bullishs de Wall Street qui a profité de la séance d’hier pour venir nous dire :

« Il est difficile d’écrire sur l’impact de la guerre entre Israël et Gaza sur les marchés d’actions. La guerre est une tragédie qui entraîne des pertes déchirantes. Pourtant, nous estimons que ce conflit n’altère pas la reprise sous-jacente des actions. Et si les taux d’intérêt baissent, comme nous le prévoyons, cela soutiendra l’évaluation des actions ».

Politiquement correct

C’est donc le parfait résumé de comment dire : « on se moque pas mal de ce qui se passe là-bas, tant que le marché monte », le tout en restant politiquement correct. En résumé, on n’a même pas pris le temps de baisser au son du canon et on est remonté direct au son du DOVISH qui a fait que l’on est devenu bullish. D’ailleurs, il y a le FAMEUX SONDAGE qui estime quelle est la probabilité de hausse des taux le premier novembre qui est devenu presque plus volatile que la volatilité elle-même. Vendredi dernier après les NFP’s nous étions à 43% de chances – après s’être rendu compte que les NFP n’étaient pas si bons que ça à cause de la qualité des jobs créés, le sondage est redescendu à 27% et quand Jefferson a parlé, c’est descendu à 11% de chance de voir les taux monter. Ça devient quand même n’importe quoi ou alors c’est juste moi qui deviens vieux ???

Il faudra aussi noter qu’avant que l’on remonte aux USA ; l’ensemble des experts en finance avaient sauté sur l’occasion pour venir faire parler d’eux. On a tout entendu de la part des différents gourous qui sont tous venus enfoncer des portes ouvertes. En conclusion ; hier on est monté et on n’a même pas eu le temps de baisser avant. Et le plus extraordinaire c’est qu’en l’espace de 24 heures nous sommes passés de :

OH MY GOD C’EST LA GUERRE (encore une) !!!

À

OH MY GOD IL VONT ARRÊTER DE MONTER LES TAUX ET C’EST BULLISH POUR LES ACTIONS !!!

Et l’Asie

Comme pour corroborer ce que je viens de dire, ce matin l’Asie est en hausse je cite : « À cause des déclarations de la FED sur les taux ». Oui, eux non plus ils ne savent pas qui est Philip Jefferson, mais c’est tellement cool ce qu’il a dit que l’on va quand même garder un œil sur le Middle-East, histoire de voir s’il n’y a pas de contagion, mais en attendant, c’est une SUPER nouvelle si la FED ne monte plus les taux. Jusqu’aux prochains chiffres de l’inflation en tous les cas. Là tout de suite, le Nikkei monte de 2.5% pour fêter le « Jefferson Day » et Hong Kong qui a enfin rouvert est en hausse des 1.3%, pendant que la Chine recule de 0.5%. Puisque l’on ne parle plus trop de la Chine, on notera quand même qu’il semblerait que de plus en plus de riches chinois sont en train de sortir de l’argent du pays, tellement l’économie semble incertaine. Ça n’est pas très rassurant, surtout parce que les banques suisses ne pourront pas accepter des montagnes de cash, mais aussi parce que si EN PLUS la Chine s’effondre, on ne va pas s’en sortir. Heureusement que Jefferson ne va plus monter les taux aux USA.

Comme annoncé par les EXPERTS en matières premières, le pétrole pourrait être volatile ces prochains jours – à cause des tensions au Moyen Orient et du risque de contagion. Je viens de passer 10 minutes à lire les commentaires de certains, c’est devenu du brassage d’air de niveau professionnel. Je dois dire que l’on ne peut pas régater avec des déclarations pareilles. Les mecs n’ont aucune idée de ce qui se passe et de ce qui pourrait se passer et de comment ça va se finir, mais ils ont un besoin impérieux de dire ce qu’ils ont à dire et ça se finit par une espèce de bouillie verbale où tu comprends que ça peut monter ou descendre, mais qu’en plus ça pourrait être volatile… Je crois que si vous voulez un avis éclairé sur le pétrole, je vous conseille la lecture du « Pif Gadget », au moins vous aurez un jouet en plastique fait à base de pétrole. Ce matin le baril est à 85.97$. L’or remonte à 1874$ parce que soi-disant, les gens cherchent des valeurs refuge… On continue dans les conneries en tous genres et puis, pour terminer, comme le Bitcoin n’est pas une valeur refuge, il est à 27’600$.

Nouvelles du jour

Du côté des nouvelles du jour, on ne parle que de ce qui se passe à Gaza. On parle un peu de Biden qui a été interrogé sur l’affaire des documents classifiés, mais il est toujours en liberté. Le FT revient sur la fusion UBS-Crédit Suisse et explique pourquoi il y a encore des plaintes pour 9 milliards. Le nombre de bureau vides à Londres est au plus haut depuis 20 ans. Country Garden ne savent pas s’ils auront la liquidité nécessaire pour rembourser leurs dettes. On reparle de défaut. Et il y a 1.55 milliard à gagner au Powerball américain, entre ça et comprendre la psychologie actuelle des marchés, je crois que je vais jouer au Powerball.

Il y a le Amazon Prime Day qui commence aujourd’hui et qui durera 48 heures. On devrait ainsi voir si l’Américain moyen a encore de l’argent à dépenser pour acheter tout et n’importe quoi. Côté chiffres du jour, il n’y a rien. Mais par contre, côté banquiers centraux, ils se bousculent au portillon pour donner leurs avis. Rien qu’aujourd’hui, il y aura Lagarde qui parlera comme tous les deux jours, mais il y aura également Bostic, Waller et Kashkari qui, contrairement à Jefferson, ONT le droit de vote. Reste à espérer qu’ils sont AUSSI devenus DOVISH.

Retour au boulot

Pour le moment les futures sont en hausse de 0.08% et clairement, Wall Street se fiche pas mal de ce qui se passe entre le Hamas et Israël, tant que ça ne déborde pas sur l’Arabie Saoudite ou l’Iran.

En ce qui me concerne, il me reste à vous souhaiter une belle journée et, pour ceux que ça intéresse, il y aura Webinaire chez Swissquote ce soir. – le lien pour l’inscription est ici et le sujet, c’est : « faut-il acheter les pétrolières et les minières » et je vous jure qu’on a préparé le thème il y a plus de deux semaines…

Excellente journée et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“It is hard to fail but it is worse never to have tried to succeed.” —Theodore Roosevelt